CNS : Audition sur la santé buccodentaire
Suite à l'invitation à l'audition de la CNS (Conférence Nationale de Santé), l'association SOSS place beaucoup d'espoir dans la mise en place d'un plan national pour la santé orale des personnes dites vulnérables pour un meilleur accès à la santé orale.
Cela passe par quatre piliers indissociables :
la mise en place d'actions de prévention,
la formation à l'hygièn e buccodentaire et à la prise en soin de cette population aussi bien lors des formations initiales qu'en formation continue,
la mise en place de coordination à l'accès aux soins buccodentaires,
la mise en place d'une offre de soins spécialisés.
Retrouvez les points détaillés dans le courrier adressé après la CNS.
Professeur Frédéric Denis, Monsieur Pascal Melhihan-Cheinin,
Nous vous remercions pour votre invitation à cette audition de la CNS. SOSS regroupe des experts de la santé orale pour les personnes vivant avec un handicap et en perte d’autonomie et des représentants des personnes concernées. Nous plaçons tous nos espoirs dans la mise en place d’un plan national pour la santé orale des personnes dites vulnérables pour un meilleur accès à la santé orale. Plan que nous espérons ambitieux.
Nos échanges ont été très riches et nous aimerions revenir sur les points qui nous semblent essentiels à une prise en soin pérenne et de qualité. En effet, l’objectif est que toute personne vivant avec un handicap ou en perte d’autonomie sur tout le territoire français puisse trouver une solution de soin adaptée à ses besoins. Il faut bien rappeler à tous, que c’est loin d’être le cas. Si nous prenons en compte les chiffres Handifaction de 2023, le constat est sévère car 22% des répondant au questionnaire n’ont pas pu accéder aux soins dont ils avaient besoin, 15% ont subi des refus de soin, 25% abandonnent leur soin après avoir subi un refus de soin…ces résultats concernent particulièrement les soins bucco-dentaires. Ces chiffres alarmants montrent l’importance de ce plan alors qu’il est aujourd’hui démontré qu’une mauvaise santé orale peut avoir de graves conséquences sur la santé globale.
Pour répondre à ce manque de prise en soin, des réseaux associatifs sont déployés depuis plus de 20 ans sur différentes régions de France et des professionnels aussi bien libéraux que salariés de centres ou hospitaliers font leur maximum pour aider les usagers et leurs familles. Ces associations représentatives des professionnels et des usagers sont essentielles et nécessitent un soutien important leur permettant de travailler efficacement sur plusieurs années. Nous estimons qu’il est vital de les financer de manière pluriannuelle afin de pouvoir mettre en place leurs programmes et d’évaluer de manière pertinente leurs actions. Il faut sortir du financement annuel et mettre en place des contrats correspondant aux temps des plans de santé (au minimum 5 ans).
Le constat de ces années d’expérience et d’expertise montre qu’un parcours de santé orale doit être mis en place. Cela passe par quatre piliers indissociables :
La mise en place d’actions de prévention par des sensibilisations importantes des usagers et de leurs aidants à une bonne hygiène buccodentaire et la mise en place de dépistages.
La formation à l’hygiène bucco-dentaire des professionnels des établissements accueillant les personnes vivant avec un handicap et en perte d’autonomie. La formation des professionnels soignants (chirurgiens-dentistes et autres) à la prise en soin de cette population aussi bien lors de leurs formations initiales qu’en formation continue.
La mise en place de coordination à l’accès aux soins bucco-dentaires sur trois paliers de soin afin que les patients soient pris en charge en fonction de leurs besoins. Cela passe obligatoirement par une connaissance et une mise à jour permanente de l’offre de soins territoriales et de ses capacités. La collaboration des chirurgiens-dentistes de ville et hospitaliers est fondamentale.
La mise en place d’une offre de soins spécialisés, avec des équipes formées et équipées sur les trois paliers de soins (soins à l’état vigile, soins nécessitant des équipements particuliers et les soins sous anesthésies générales).
Afin de concrétiser ces piliers, les associations régionales doivent travailler de concert avec les ARS, ce qui est déjà le cas dans certaines régions.
Nous sommes donc disposés à développer avec vous les différents points pour la rédaction de votre rapport.
Si nous reprenons le fil de nos échanges lors de l’audition, nous avons pu évoquer des points correspondant à chacun des paliers ci-dessus :
Pour l’offre de soin :
Un rappel nécessaire des mesures mises en place dans les dernières conventions entre la Sécurité Nationale et les chirurgiens-dentistes doit être fait aux professionnels, aux associations et aux usagers
Nous avons évoqué les difficultés rencontrées pour l’application de la codification YYYY183 qui n’est pas prise en charge à 100%, ce qui entraine un surcoût discriminatoire pour les personnes n’ayant pas de mutuelle et une avance des frais prohibitif pour certains qui en ont une.
Nous avons aussi mis en avant la nécessité de mettre en place des plateaux techniques spécialisés accessibles avec une priorité face à la grande pénurie de solution d’anesthésie générale pour des soins dentaires conservateurs (entre 6 mois et un an d’attente pour avoir un RDV).
Nous avons évoqué l’utilité des équipes mobiles en fonction des caractéristiques des différents territoires et le lien de proximité que cela offre.
Pour la coordination : Nous avons démontré l’importance des réseaux permettant d’orienter les patients en fonction de leur besoin. Cela permet :
De trouver des chirurgiens-dentistes pouvant travailler sur chaque palier (car il faut encore le rappeler pour plus de 50% des personnes faisant appel à nos réseaux, la prise en soin peut se faire sans équipement particulier en palier 1).
Un échange d’expérience et de pratiques entre les chirurgiens-dentistes et les assistantes dentaires.
Des réorientations rapides lorsqu’un praticien ne peut pas assurer la prise en soin.
Une régulation des usagers pour ne pas saturer les solutions de soins de palier 2 ou 3.
Aux usagers ayant eu un accès aux soins sous AG (palier 3) d’avoir de l’habituation aux soins et d’être réorienté vers des structures de palier 2 ou 1.
De travailler en coordination avec les Conseils Ordinaux, les CPTS, Les MDPH, les DAC…
De mettre en évidence le besoin d’outils numérique de coordination pouvant croiser les données MDPH, Sécurité sociale, des professionnels de santé…
Pour la prévention :
Nous avons parlé de l’importance de mettre en place des dépistages aussi bien dans les ESMS PH et PA qu’auprès des usagers « hors les murs ». Cela montre qu’à chaque intervention, nous avons 30% des usagers dans l’ESMS qui doivent être orientés en urgence.
Nous avons évoqué l’importance de sensibiliser les aidants à l’hygiène buccodentaire car trop souvent la santé orale n’est pas une priorité et les usagers arrivent chez le chirurgien-dentiste avec des pathologies qui auraient pu être évitées.
Nous avons aussi échangé sur l’importance d’une interdisciplinarité afin d’être plus efficace sur nos messages de prévention avec notamment des nutritionnistes, des ergothérapeutes, des orthophonistes…
Il est nécessaire d’avoir une valorisation des actes de prévention : temps pour les chirurgiens-dentistes ou assistantes dentaires de faire de la formation au brossage des dents ; temps pour l’habituation aux soins…
Pour la formation :
Nous sommes convaincus qu’une formation initiale à la prise en soins de la santé orale chez les personnes dites « vulnérables » pour les professionnels de santé est nécessaire. Cela fait malheureusement trop défaut et une des premières raisons du refus de prise en soin est souvent le manque de connaissance et l’appréhension face à ce type de population. La mise en place de stages d’immersion dans les ESMS PH et PA dès les premières années d’étude et tout au long des cursus nous semble donc primordial.
Nous sommes également pour le développement de stages chez les chirurgiens-dentistes de ville (libéraux et centres) prenant en charge les patients vivant avec un handicap.
De même, nous devons ouvrir la prévention à une bonne santé orale à tous les professionnels de santé car ce n’est pas encore une habitude pour un non-chirurgien-dentiste de regarder l’état bucco-dentaire de leur patient.
Nous sommes aussi favorables au projet de mise en place d’une assistante dentaire de niveau 2 formée aux soins spécifiques et en capacité d’intervenir pour des actions de prévention.
Il est aussi important de valoriser la spécialité MOA (Médecine Orale Adaptée) car elle est trop souvent dévoyée et ne permet pas aujourd’hui une pratique libérale. Le prisme doit être mis sur la qualité exceptionnelle de cette formation qui forme des omnipraticiens d’élite.
Nous avons essayé d’être le plus complet possible et nous restons à votre entière disposition pour travailler ensemble sur ces différents points.
Je réitère encore une fois l’attente et l’espoir que cette initiative gouvernementale soulève et nous sommes tout à fait en accord avec l’intention d’aller vers du droit commun pour tous.
C’est aujourd’hui notre rôle de promouvoir ce droit commun et nous veillerons à sa mise en place car ce plan permettra non seulement aux personnes vivant avec un handicap et en perte d’autonomie d’avoir enfin une prise en soin effective et de qualité mais aussi à toute la population d’avoir une prise en compte des enjeux d’une bonne santé orale et donc une amélioration significative de leur santé globale.
A toute fin utile, vous trouverez également deux documents réalisés lors du congrès 2022 de l’IADH à Paris ; le plaidoyer et les revendications.
Je vous prie de croire, messieurs, en l’expression de mon respect le plus sincère,
Bien cordialement,
Alain NGOUMA
Président SOSS
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